les résidences parisiennes des Ducs de Ventadour
A Paris
à Paris
On ne saurait terminer ces quelques lignes consacrées aux Ventadour et à leurs possessions sans évoquer celles de Paris. Les Ventadour furent-ils installés dans la capitale avant Louis XIV et le transfert à Versailles le 6 mai 1682 ? Rien ne permettait de l'affirmer mais cela nous semblait hautement probable lorsque nous commençâmes cette étude. Il eut été bien étonnant qu'une aussi illustre maison n'y soit pas installée. Habitèrent-ils une maison en propre ou bien partagèrent-ils celle d'un allié déjà en place comme cela fut souvent la cas par location d'étage ou partage d'immeuble ? Restèrent-ils au même endroit ou bien suivirent-ils les résidences de leurs alliances. Nul n'avait jamais répondu à cette question, que se posait l'excellent chanoine Billet, notre inspirateur, sans avoir pu en trouver la réponse. Nous avons longuement mené l'enquête avec le plus de précision possible et la SHAV a trouvé !.
On sait que les Ventadour furent à Paris assez tôt, certainement au temps des Lévis Ventadour, mais probablement avant, dès la 1ère race, au moins de manière épisodique. Gilbert II de Lévis, fut enfant d'honneur de François Ier en 1524 et son panetier en 1531, ce qui entraîne de facto sa présence au Louvre, résidence royale. Son fils Gilbert III de Lévis, épousa Catherine de Montmorency (fille d'Anne de Montmorency et de Madeleine de Savoie), dont il eut plusieurs enfants, entre lesquels Anne de Lévis (1569-1622). Cette alliance avec un lignage encore plus prestigieux lui ouvrit indubitablement encore plus l'accés à la Cour. Désormais les Ventadour alliés aux Montmorency avaient une place des plus en vue. Nominations et titres allaient s'accroître. Gentilhomme de la chambre du roi depuis 1555, il devint gouverneur du Limousin. Il fut fait chevalier de l'ordre du Saint-Esprit par le roi Henri III lors de la première promotion, en 1578, mais ne fut pas reçu. La même année il devenait gouverneur du Lyonnais, Forez et Beaujolais et sa terre de Ventadour était érigée en duché, puis, en 1589, en duché-pairie. Il fut dès-lors très présent à Paris à la Cour et chez les Montmorency, ses beau-parents et cousins, même s'il fut également très présent dans les provinces de Limousin et de Languedoc qu'il gouverna, à la Voulte et à Ventadour qu'il habita et où naquit son fils ainé Henri en 1622 et peut-être son second, Charles vers 1631. Tous deux se partagèrent encore entre leur duché, leurs gouvernorats et Paris.
En revanche, on est certain que le fils de Charles né en 1647, vécut principalement à Versailles et à Paris. Son épouse, la duchesse Charlotte-Éléonore de la Mothe-Houdancourt (1654 - ) surnommée « Madame de Ventadour » fut gouvernante des enfants royaux et en particulier de l'infant Louis XV. Elle était ainsi obligée de résider à Versailles. Elle obtint cette charge par sa mère. La maréchale de La Motte Houdancourt, née Louise de Prie, était en effet Gouvernante en titre. Elle avait élevé tous les petits fils de Louis XIV à la suite de la duchesse de Montausier mais était devenue fort âgée (80 ans !) pour exercer une telle charge et responsabilité. C'est sa fille, Anne Geneviève, duchesse de Ventadour (février 1673 - †20 mars 1727 à 53 ans ), qui lui succéda et élèvera réellement les arrières petits fils de Louis XIV, dont le futur Louis XV. Par la suite, elle en aura en charge tous les 10 enfants de Louis XV et de Marie Leczinska, jusqu'au départ d'un certain nombre de filles de France pour l'abbaye de Frontevrault en 1738 et restera à la Cour jusqu’à sa mort en 1744 auprès des filles ainées du roi : Madame Henriette et Madame Adelaîde, élevées par sa survivancière et nièce, la duchesse de Tallard. Anne Geneviève fera deux mariages prestigieux, au sein de deux des plus grandes familles aristocratiques de l'époque, les La Tour d'Auvergne et les Rohan. Bien entendu elle se partagea entre Versailles et Paris. Elle fut la dernière de la 2ème race, celle des Lévis Ventadour. Sa petite fille Marie Isabelle duchesse de la Baume Tallard lui succéda et appelera à son tour sa nièce Victoire-Armande-Josèphe de Rohan, Princesse de Guéménée (1743-1807), fille du Maréchal de Soubise et de la princesse de Carignan. Illustration : Anne Geneviève de Lévis Ventadour avec le Dauphin et Louis XIV
La charge de Gouvernante des Enfants de France resta ainsi dans la famille de Ventadour Rohan, de tantes en nièces, depuis la maréchale de La Motte sous Louis XIV jusqu’à la princesse Victoire Armande de Guéménée sous Louis XVI ; elles prirent soin ainsi de plus de 25 enfants de France sur plus d'un siècle ! Cela s'acheva en 1782 dans le scandale de la banqueroute du Prince de Guéméné. À la veille de la Révolution française, Henri-Louis-Marie de Rohan-Guéméné duc de Montbazon, l'ainé de cette branche, réalisa une colossale faillite qui ruina bien des gens en 1782 mais qui fut épongée, en partie par son épouse sur sa fortune issue des Soubise Ventadour et en partie par son oncle le cardinal de Strasbourg Louis René Édouard de Rohan (qui sera ensuite en 1785 victime de l'escroquerie de l'affaire du collier de la reine). L'historienne britannique Antonia Fraser, biographe de Marie Antoinette raconte l'affaire : "L'annonce de la banque-route aussi inattendue qu'horrifiante qui frappa une famille aristocratique à l'automne 1782 l'inquiéta particulièrement parce qu'elle touchait la gouvernante de ses enfants, la princesse de Guéméné, si heureuse l'année précédente de parader avec le dauphin nouveau-né devant les courtisans enthousiastes...".
Charles, son père, Duc de Ventadour et Prince de Rohan en fut terriblement affecté. Dans quel appartement vivaient les Levis Ventadour ? Dans quel autre vécurent les Soubise ? Gageons qu’étant gouvernantes des enfants royaux, ces dames habitérent très proches des appartements royaux. Mais des hôtels particuliers leur appartinrent également dans la capitale.
A Paris trois pistes nous permettent de retrouver les installations ventadoriennes dans la capitale.
La première nous conduit rue de Tournon. La rue de Tournon est une rue du sixième arrondissement. Elle commence rue Saint-Sulpice et rue de Seine et se termine sur celle de Vaugirard. Elle mesure 233 mètres. Orientée pratiquement Nord-Sud, dans l'axe du Palais du Luxembourg, elle constitue l'une des rues les plus prestigieuses de Paris dans le quartier latin. Elle possède également une physionomie très particulière ; elle s'évase en effet vers le sud à proximité de la rue de Vaugirard. Traditionnellement, elle se compose de nombreuses librairies de livres anciens. Il en subsiste toujours aujourd'hui, mais elles sont désormais complétées par quelques enseignes haut de gamme (coiffure, mode). Au numéro 8 de cette rue très proche du palais de Marie de Médicis, se situe un immeuble classé aux monuments historiques. C'est à cet emplacement, entre l'Académie équestre et l'hôtel des Ambassadeurs, que Monseigneur Guy Chartraire de Saint-Aignan, conseiller au Parlement de Bourgogne à Dijon, (Marquis de Ragny en 1735) avait fait construire son hôtel de Saint-Aignan en 1716, à la place de l'hôtel de Ventadour que lui avait donné, en 1713, sa sœur, épouse de David, lieutenant particulier au bailliage de Semur. Elle avait elle-même acquis ce lot de Nicolas de Jassaud, président à la Chambre des comptes. Ce dernier le tenait du prince de Rohan-Soubise et de son épouse, Anne Geneviéve de Ventadour. C'est le duc Anne de Ventadour qui en fit l'acquisition en 1607 auprès de Pierre de Beringhen, premier valet de chambre du roi, qui lui l'avait acquis vers 1600. Ces Saint Aignan, ne venaient-ils point de Saint Rémy et Herment ? La propriété était louée à Langlois, fermier général, lorsque M. de Saint-Aignan légua ses biens à Chartraire, marquis de Ragny, qui fut suivi par Garnier, bourgeois, puis Mlle d'Orsan, fille majeure, puis Jean Marie du Lau d'Allemans, curé de Saint-Sulpice, archevêque d'Arles et député de la Constituante en 1789, né en 1738 et assassiné le 2 septembre 1792. Théroigne de Méricourt, locataire dans cette maison, avait formé une sorte de club, où elle recevait entre autres personnes : Danton, Camille Desmoulins et Fabre d'Églantine. Sous l'Empire, le sénateur Dyzès, comte d'Arène, en fit sa résidence. Brillat-Savarin, célèbre gastronome, habitait, sous Louis-Philippe, l'appartement de Théroigne. Jules Janin, en 1830, s'en servait de garçonnière. Il y resta quarante ans avant d'aller s'installer au 20 rue de Vaugirard. Octave Feuillet et le comte Eugène de Vogüé logent ici en 1880. Domicile de Gabriel Pierné, compositeur de musique. En 1909, la revue "Le Magasin pittoresque", fondée en 1835, s'y installe ; en 1910, domicile de Maurice Renard, à deux pas de celui de son ami Adolphe van Bever, de Paul Léautaud et du Mercure de France.
Ce serait ainsi Anne de Lévis Ventadour, fils du duc Gilbert et de Catherine de Montmorency, marié en 1593 avec sa cousine Marguerite de Montmorency, qui en aurait fait acquisition. Ou bien reçu dot de son épouse car, fait troublant, les résidences de Montmorency se trouvent à quelques mètres de là aux n°2 et n°4, l'Hôtel de Concini étant au n°10. Autre élément très révélateur : le nom de la rue. Tournon est ville et château du Vivarais, en bordure du Rhône. On retient de cette famille le cardinal François de Tournon qui était très proche de Marie de Médicis, des Montmorençy, des La Tour d'Auvergne Turenne... et des Lévis Ventadour. Il fut même prieur de Port Dieu. Les Lévis, voisins en Vivarais des Tournon, étaient liés à eux au moins depuis un mariage entre Jacques de Lévis et Louise de Tournon en 1484. Son frère, Louis de Lévis, épousa en 1492 Blanche de Ventadour, fille de Louis de Ventadour et de Catherine de Beaufort, ce qui créa la branche des Lévis Ventadour de la 2ème race. Plus tard, le cinquième fils de Just Ier, seigneur de Tournon, Just II, eut de Claudine de La Tour-Turenne (donc famille des Beaufort) un fils, Just-Louis Ier, comte de Roussillon, baron de Chalancon, sénéchal d'Auvergne, qui épousa en 1583 Madeleine de La Rochefoucauld. Leur fils, Just-Henri, comte de Tournon, maréchal de camp, fut marié en 1616 à Charlotte de Lévis-Ventadour, fille du Duc Anne de Ventadour. La malheureuse décéda peu après en 1620. Un autre mariage fut organisé en 1620 avec Louise de Montmorençy, qui donna Just-Louis II, comte de Tournon et de Roussillon, sénéchal d'Auvergne, maréchal de camp. Ce dernier fut tué en 1644 au siège de Philipsbourg, sans postérité. Avec lui s'éteignit la branche aînée des Tournon. Les seigneuries de Just-Louis passèrent à Marguerite de Montmorency, duchesse de Ventadour, grand-mère maternelle de Just-Louis, puis aux Lévis Ventadour. On peut ainsi subodorer l'installation parisienne des Ventadour par et grâce à leurs puissants alliés Tournon. Les Tournon étaient ils propriétaires de terrains ou d'immeubles dans cet endroit qui porte leur nom, étaient-ce les Montmorency ? En tout cas, les Ventadour y résidèrent jusqu'à la vente faîte par le Prince de Rohan Soubise, Duc de Ventadour, avant 1713. Il s'était marié avec Anne Geneviève de Lévis Ventadour le 15 février 1694. Elle mourut à Paris, rue de Paradis dans la nuit du vendredi 20 au 21 mars 1727 à l'âge de 54 ans. Son mari, Hercule Mériadec, se remaria en 1732 à Marie-Sophie de Courcillon et disparut en 1749. La vente aurait donc eu lieu entre 1694 et 1713, date de la transmission entre soeur et frère Saint Aignan. Les époux ont en effet déjà déménagé rue de Paradis, où décédera plus tard Anne Geneviève, dans l'Hôtel de Soubise. Quant à la rue de Tournon, on retiendra un curieux clin d'oeil de l'histoire : dans un des immeubles voisins de celui des Ventadour, anciennement aux Montmorency et devenu propriété du richissime homme d'affaire François Pinault, au n° 4 de la rue, s'éteignit en 2019 le Président Jacques Chirac, ancien député de la circonscription d'Ussel dont le territoire recouvrait en bonne partie l'ancien duché ! Il mourut ainsi à côté de la résidence des Ducs...
Le Palais de Rohan Soubise, rue de Paradis. Le prince Hercule Mériadec de Rohan-Soubise avait hérité en 1712 du superbe palais de son père et l'occupa jusqu'à son décès en 1749. Son petit-fils, Charles de Rohan-Soubise, maréchal de France, lui succèda et jouit des lieux jusqu'à sa mort, en 1787. En 1761, il avait donné la nue-propriété du palais à sa seconde fille, Victoire de Rohan et à l'époux de celle-ci, son cousin, Henri-Louis Marie de Rohan, prince de Guéméné, auteur de la retentissante banqueroute qui mit fin à la charge de son épouse. Après le départ pour l'émigration de ces derniers, à la Révolution, l'hôtel de Soubise fut saisi.
Sous la Révolution, l'hôtel de Soubise est pillé puis détourné de ses usages princiers. On l'utilisé durant une quinzaine d'années, pour diverses activités, casernement, administrations, logement, fabriques, qui le mettent dans un triste état. Les créanciers souhaitant éviter la confiscation du domaine par l’État, parviennent à faire radier la princesse de Guéménée de la liste des émigrés, le 16 prairial an VIII. Le 7 fructidor an XII, un arrêté préfectoral lui reconnaît formellement la propriété des hôtels de Soubise et de Rohan, qui sont vendus à un spéculateur le 13 août 1807, un mois avant la mort de la princesse. En 1808, les deux hôtels sont acquis par l’État. Napoléon 1er affecte l'hôtel de Soubise aux Archives impériales et l'hôtel de Rohan à l'Imprimerie impériale. Le musée des Archives nationales occupe certaines salles de l'hôtel de Soubise depuis sa création, en 1867. C’est ici qu’aurait dû voir le jour le projet de la Maison de l'Histoire de France, voulu par le président Nicolas Sarkozy et abandonné par ses successeurs, dont en premier lieu par le Président Hollande, pourtant élu des terres de l'ancien duché de Ventadour, par un singulier retour de l'histoire.
La troisième piste nous conduit à la rue éponyme. Une rue "de Ventadour" existe en effet dans le coeur de Paris, dans le second arrondissement. Elle se trouve entre le Palais Royal et l'Opéra Garnier, à droite en remontant l'Avenue de l'Opéra depuis la rue de Rivoli. ?C'est une petite rue et non un boulevard, elle abrite aujourd'hui la maison de la Nouvelle Calédonie et l'Office de Tourisme du Japon. Elle est juste "de Ventadour", sans autre intitulé ducal ou viscomtal. A son extrémité, en perspective se dresse la Salle Ventadour, ?construite sous les ordres de Louis XVIII entre 1826 et 1829 pour l’Opéra Comique au moment de la Restauration. Elle fut le siège du Théâtre des Italiens de 1838 à 1870 mais en1879 les représentations théâtrales sont définitivement terminées et l'’immeuble est repris par ce qui deviendra ensuite la Banque de France. Cet immeuble prestigieux mais assez défraichi sert de nos jours de cantines en self service, d'une salle de restaurant classique, de salle de sport, salle de spectacle et du magasin du comité d'entreprise à prix réduits pour les employés de la Banque... une boucherie de l'établissement ayant été fermée peu après l'an 2000 ! Sic gloria transit.
Selon Jacques Hillairet, sa dénomination est due au fait qu'elle traversait la propriété de Louis Charles de Lévis, duc de Ventadour. Pour Félix et Louis Lazare, son nom lui vient de Charlotte de La Mothe-Houdancourt, dite Madame de Ventadour, gouvernante de Louis XV. Jean de La Tynna indique qu'elle doit son nom "à la famille Ventadour qui s'est illustrée sous la royauté".
Cette rue a été ouverte sur une largeur de 7,79 mètres vers 1654, après l'arasement de la butte des Moulins. Elle débutait à cette époque rue des Moineaux et se terminait au-delà de la rue Neuve-des-Petits-Champs. Après avoir porté les noms de « rue Saint-Victor », puis de « rue de Lionne », en raison qu'elle séparait l'hôtel Langlée de l'hôtel de Lionne, elle prend son nom actuel en 1673. En 1720, elle perdit sa section comprise entre la rue Thérèse et la rue des Moineaux qui formera, par la suite, la rue Méhul donnant sur la salle de l'Opéra comique. Une décision ministérielle, du 3 frimaire an X (), signée Chaptal, maintient la largeur primitive de cette voie publique à 7,79 mètres. Cette largeur est portée à 9,74 mètres, en vertu d'une ordonnance royale du . Rien ne prouve que les Ventadour habitèrent dans ce secteur, mais son profond renouvellement peut avoir effacé les traces des possessions. On notera en revanche avec regret l'absence d'une rue parisienne en hommage à "Bernartz de Ventadorn" ou à Maria la trobeira, par exemple..
Cependant, en dehors des résidences de ville, si nous n'avons pu retrouver pour l'heure trace d'un très probable appartement à Versailles au sein du château (comprendre un salon et une chambre, car Versailles était surpeuplé par la haute noblesse et la place manquant, les logements étaient généralement fort réduits en nombre de pièces), il existe une autre résidence Ventadorienne jusqu'ici totalement inconnue des historiens de Ventadour, un véritable château cette fois, dans la proche campagne au Nord Ouest de Paris. Notre fondateur, le chanoine Léon Billet, la suborait mais ne put jamais la retrouver.
photo de la plaque parisienne courtoisement transmise en 2020 par notre Ami de Ventadour Jean Pierre Serre©
A Vigny
Le château de Vigny.
Situé non loin de l'ancienne route de Paris à Rouen, à une quarantaine de kilomètres du Louvre et de Versailles, Vigny est un petit bourg abritant un magnifique château, aujourd'hui au coeur du parc naturel du Vexin. Il est implanté dans un immense parc d'une vingtaine d'hectares, reste d'une vaste propriété agricole désormais morcellée, et construit très proche de l'église Saint Médard.
Une seigneurie existe dès le XIème siècle et une maladerie s'installe vers les XIIIème/XIVème. Une chartreuse se développe au XVème et une chapelle des hôtes au XVIème siècle, devenue grange depuis et seul reste visible. L'ancien chateau féodal reçoit le Roi Charles VII et le futur Louis XI en 1441. Il est vendu en 1504 et va être abattu pour laisser place à une bâtisse bien plus moderne et ambitieuse selon le souhait de son acheteur, le Cardinal d'Amboise Georges 1er, par ailleurs ministre de Louis XII. Les travaux ne semblent pas traîner et l'essentiel est semble t'il fini en 1510.
cour intérieure de Vigny cop. Sébastien Lory - site du château
En 1555 c'est le puissant Anne de Montmorency, Duc, Connétable et Maréchal de France qui en devient propriétaire et l'ajoute à la longue liste de ses possessions dont le château d'Ecouen. A sa mort en 1567, son fils Charles, amiral des flottes, en hérite et y séjourne. Une de ses filles, Catherine, épouse le 25 juin 1553 le Comte Gilbert III de Lévis Ventadour qui devient très vite Gentilhomme de la chambre du Roi en 1555, puis gouverneur du Limousin. Il est fait chevalier de l'ordre du Saint-Esprit par le roi Henri III lors de la première promotion, en 1578, mais n'est pas reçu. La même année il devient gouverneur du Lyonnais, Forez et Beaujolais et sa terre de Ventadour est érigée en duché, puis, en 1589, en duché-pairie. Son fils second fut appelé Anne en souvenir de son grand père maternel. Pour renforcer l'union familiale, le jeune Ventadour épousa le Marguerite de Montmorency (1572-1660), sa cousine germaine, fille d'Henri Ier de Montmorency, connétable de France. Le lien entre les deux familles était total. Anne de Lévis était un ardent partisan d'Henri IV : il écrasa les forces de la Ligue à Limoges et, en 1591, défit entièrement les ligueurs, près de Souillac en Quercy. Il fut le second Duc de Ventadour mais également comte de La Voulte, pair et lieutenant-général pour le roi Henri IV en Languedoc. Il fut fait chevalier de l'ordre du Saint-Esprit lors de la promotion du . Ils eurent 12 à 15 enfants dont une bonne partie mourut jeune. Deux de leurs fils devinrent ducs de Ventadour : Henri est nommé vice-roi de la Nouvelle-France (1625-31) puis son cadet Charles II.
Vigny est certes fréquenté par les Ventadour mais est resté la propriété des Montmorency. Hélas le dernier propriétaire Henri II de Montmorency, gouverneur du Languedoc, meurt en 1632 sans postérité. Il lègue Vigny à sa soeur Marguerite de Montmorency, veuve d'Anne de Lévis, 2ème duc de Ventadour. Le château fût alors brièvement con?squé à la famille suite à la trahison d’Henri II de Montmorency en 1632. Louis XIII le restitua ensuite à Marguerite de Montmorency, duchesse de Ventadour, qui s’impliqua énormément à Vigny et notamment à l’entretien de son église. De cette période, des écrits témoignent de l’attachement du roi Louis XIII pour le domaine qui y séjourna notamment en 1634 et 1636. Le cardinal de Richelieu y résida également. A la mort de la duchesse en 1660, celle-ci a pour successeur à Vigny son petit-fils, Louis Charles de Lévis, 5ème duc de Ventadour, mort en 1717, puis la veuve de celui-ci, Charlotte de La Mothe Houdancourt, morte en 1744. Leur successeur à Vigny est leur petit-fils, Charles de Rohan, duc de Rohan-Rohan, duc de Ventadour, prince de Soubise, maréchal de France, mort en 1787. Vigny est la résidence de campagne et d 'été des Ventadour puis des Rohan Soubise Ventadour. Le domaine connait ses heures les plus fastes. Ainsi pendant 155 ans, les Ducs de Ventadour et leur famille séjournèrent à Vigny, bien plus proche de la Cour à Versailles et de leur hôtel particulier à Paris que le siège ducal. On imagine aisément la distance physique qui se mit en place avec Ventadour même si Ventadour on restait, Duc et Prince on était et, espérons le, attaché on demeurait (ce qui semble prouvé par le refus de vendre les domaines et d'abandonner la forteresse familiale jusqu'en 1789). Ajoutons qu’après le scandale de la banqueroute du Prince de Guéméné en 1782, son épouse Victoire Armande se sépara de corps avec son mari et se réfugia à Vigny, demeure de ses aieux Ventadour fidèlement conservée. Elle semble étre demeurée en France pendant la Révolution.
Ainsi est résolu un des mystères ventadoriens qui occupa et tracassa notre socièté "savante" quelques décennies durant sur la question de l'implantation des Ventadour à Paris. La Maison de Rohan Soubise Ventadour conserva le château de Vigny jusqu'en 1822 après une confiscation en 1789 et quelques pillages ultérieurs qui ne remirent pas en cause la structure préservée, contrairement aux habitants des alentours de Moustier qui détruisirent avec entrain ou haine tout ce qu'ils purent durant et après la Terreur. Les biens furent restitués lors de la Restauration, en état correct mais avec beaucoup de vols et dégradations. Au moins le clos et le couvert avaient été respectés.
Vigny est alors vendu par la famille à un Monsieur Declerq mais racheté en 1829 par un petit-fils du maréchal de Soubise, Ventadour par le sang de sa mère, Louis Victor Mériadec Benjamin de Rohan, duc de Montbazon, qui doit cependant revendre en 1844. Vigny s'est alors beaucoup dégradé faute de réparations et d'entretien depuis plus de 50 ans et les différents acquéreurs se lassent vite et renoncent successivement. Il est acquis le 8 novembre 1867 par le comte Philippe Spiridion Vitali, Prince de Sant'Eusebio. Il entreprend de faire restaurer le château à partir de 1888 par l'architecte Charles Henri Cazaux, dans le style néo-gothique, appelé "troubadour", de Viollet-le-Duc. La façade septentrionale orientée vers le village évoque depuis une demeure post renaissance à l'architecture assez idéalisée mais fort gracieuse et globalement respectueuse de la construction qui offrit sa base et ses fondements. Le comte Vitali fait également agrandir l'aile sud, construire le gros donjon carré et la chapelle, toujours par l'architecte Charles Henri Cazaux.
Dans son état issu de cette campagne de travaux, le château largement conservé mais "bien amélioré", présente belle figure et a retrouvé un caractère affirmé et modernisé sans trop d'excès. Il comporte principalement deux corps de bâtiment disposés en "L", L'une des branches de ce "L" est prolongée par une chapelle, sur la droite de l'entrée, l'autre, à l'opposé, par une grosse tour carrée. L'ensemble est bâti sur un terre-plein entouré de douves en eaux, au sein d'un parc paysager somptueux.
En 1922, le château de Vigny est acheté par le comte Robert Le Coat de Kerveguen, dont la famille le vend en 1992 à M. et Mme Dewavrin. Plusieurs films et clips y sont tournés (les Barbouzes, Versailles etc). Il est revendu en 2001 à une société japonaise et deviendra fut un temps une pseudo école de cuisine puis hélas comme trop souvent à cette époque laissé totalement à l'abandon. Le parc devient une friche, la mérule s'installe dans toutes les boiseries et charpentes. La fin semble proche lorsqu'il est racheté à nouveau en 2016 par M. Fabrice Levesque qui le destine à devenir un hôtel de luxe après des travaux énormes estimés à plus de 6 millions d'Euros. Une campagne de souscription est ouverte sur un site dédié auquel la SHAV apporte très amicalement son soutien. http://www.chateauvigny.com
A Noisiel Marne la vallée
Qui aurait pu penser après ces recherches sur les demeures parisiennes des Ventadour, que l'on pourrait encore en trouver une ou deux autres ? C'est en lisant les éléments biographiques de Gaston François Christophe de Lévis (1794-1863), dernier Duc de Ventadour, que nous-nous sommes aperçus qu'un château sinon deux manquaient à notre liste. Les gorges de la Soudeillette et les Monédières avec la forteresse du bas Limousin sont certes lointaines, mais il n'en demeure pas moins qu'une résidence ducale portant l'illustre titre exista jusqu'au milieu du XIXème siécle en region parisienne.
Le château de Champs sur Marne. Il faut se rendre en bord de Marne, à 24 kilomètres à l'Est de Paris, entre Chelles et Noisy le Grand, pour trouver le château de Champs sur Marne. Ce château qui avait appartenu aux Montmorency au XVIème s. avait été refait au début du XVIIIème s. puis était devenu la propriété de la marquise de Marbeuf, tante du duc de Lévis. La malheureuse fut guillotinée en 1794. Saisi comme bien national, le château fut revendu avec son domaine de 286 ha vers 1803 à son neveu le duc Pierre Marc. Il était paire du royaume et sénateur légitimiste ainsi que membre de l’Académie Française. Son fils Gaston François, Duc de Ventadour aprés relévement du titre, en hérita avec sa soeur en 1830 au décés de son père et le revendit presque aussitôt en 1831 car il possédait le domaine voisin de Noisiel et ne pouvait conserver les deux. Ce château entièrement restauré et meublé, avec 18 domestiques et 68 jardiniers entretenant les 85 ha de jardin, sera 103 ans plus tard, en 1934, offert à l'Etat par le comte Louis Cahen d'Anvers, pour servir de résidence présidentielle selon les termes du leg. Le général de Gaulle l'affectera en 1959 à la réception des chefs d'Etat étrangers avant que Georges Pompidou ne revienne sur cette donation en 1971 pour le transformer en musée, bureaux annexes pour l'administration des Monuments Historiques et plus tard lieu de tournage de films ! Il est ouvert au public après une récente restauration.
Le prestigieux domaine de Noisiel. La nouvelle résidence du Duc de Ventadour fut le domaine prestigieux de Noisiel, non loin de Champs, toujours sur les berges de la Marne, avec 606 ha de propriété. Ce château semblait également appartenir à son père et les deux immenses domaines étaient riverains, une futée les liant. Il était loué en saison à des amis comme la raconte la princesse Marthe Bibesco. En 1830, alors aide de camp du Dauphin et colonel d'infanterie, le duc fit procéder à des travaux importants. La charpente et la toiture furent enlevées et un toit terrasse à l'anglaise les remplaça (certainement en souvenir de l'exil anglais de la famille lors de la Terreur). Un agrandissement latéral en forme d'entrée avec porche semble également avoir eu lieu. La surface était de 509m2 au sol et trois niveaux. Le superbe parc amenait aux berges du fleuve et fut agrémenté d’espèces d’arbres de qualité. Le duc y vécut avec son épouse jusqu'à l'abdication de Charles X en 1830 qu'il suivit en exil jusqu'en Slovénie autrichienne puis aux cotés de son fils le comte de Chambord. En 1863, suite au décés en exil à Venise de Gaston François, le comte de Nicolaý en hérita en sa qualité de neveu. En 1879 parc et château sont revendus au chocolatier Emile Menier. Une vaste campagne de travaux fut engagée entre 1882 et 1884 et modifia énormement les façades ainsi que la toiture reposée avec une tour ajoutée. Le nouveau château devint trés différent. La surface au sol s'agrandit de 170m2. Le nouveau propriétaire faisait prospérer à côté son usine et sa cité ouvrière modèle avant la vente en 1959 puis l'incorporation du domaine dans un parc public de Marne la Vallée qui conserve une partie des fastes d'antan sur les 87 ha de parc anglais qui subsistent. Le dernier château des ducs de Ventadour en revanche n'existe plus désormais car il a été victime des bombardements allemands de 1944. Si les bombes ne tombèrent pas sur le château, elles tombèrent autour mais la belle demeure semblait encore solide. Dans les années qui suivirent la libération, la famille Menier tenta de la rénover mais les experts conclurent que le bâtiment était gravement compromis dans ses fondations. Les coûts de rénovation dépassaient les possibilités de la famille confrontée à de graves difficultés économiques et il fut décidé en 1954 de raser le château.
Ainsi disparut la dernière demeure des ducs de Ventadour...
ci-dessous à gauche gravure du château après les travaux du Duc en 1831, tel qu'à l'époque Lévis Ventadour, et à droite photo du château vers 1884 remanié après les travaux Menier et détruit en 1954.